Retour sur les incendies mystérieux dans les dépôts de médicaments à Conakry et à Labé

Il y a un peu moins de trois ans, au mois de juin 2017, un incendie ravageait des magasins de la Pharmacie Centrale de Guinée (PCG), occasionnant d’énormes pertes en produits de santé. Parmi les médicaments brûlés, se trouvait une quantité importante d’antirétroviraux destinés au traitement des patients vivant avec le VIH. Deux ans après cette incendie, soit au mois de juin 2018, ce fut le tour du magasin relais de la PCG à Labé de prendre feu. Ces incendies ont suscité plusieurs interrogations chez  les guinéens et ont fait couler beaucoup d’encre et de salive dans les médias. Qu’est ce qui s’est réellement passé ? Quelles ont été les informations fournies par les médias ? Dans cette revue de presse, nous essayons de reconstituer les faits.

 

Le 17 juin 2017, les habitants de Conakry se sont réveillés avec la nouvelle de l’incendie de la Pharmacie Centrale de Guinée (PCG). La PCG est une entreprise publique qui est chargée de l’approvisionnement en produits de santé de qualité, des structures sanitaires du pays, ainsi que de toutes les institutions évoluant dans le domaine de la santé. Elle veille à améliorer l’accessibilité aux produits sur tout le territoire national. C’est donc là que sont stockés tous les produits de santé dont dispose le pays, en attendant leur acheminement dans les différentes structures sanitaires. La nouvelle s’est répandue tard la nuit sur les réseaux sociaux, où les images du sinistre se partageaient incessamment. La presse, à travers la radio nationale et les radios privées, en a fait sa première info du jour.  Selon un travailleur de la PCG, interrogé par le site africaguinee.com c’est aux environs de 21h que l’alerte a été donnée mais malgré la présence des sapeurs-pompiers, le feu n’a pu être maitrisé qu’au petit matin. https://www.africaguinee.com/articles/2017/06/17/conakry-un-grave-incendie-signale-la-pharmacie-centrale-de-guinee. Très tôt dans la matinée, le site ziama.info annonçait dans un article qu’aucune perte en vie humaine n’était  à déplorer mais les dégâts matériels étaient assez importants. Dans le même article, on pouvait lire qu’  « une équipe mise en place par la Direction Générale est à pied d’œuvre pour évaluer les pertes enregistrées lors de cet incendie ». https://www.ziama.info/2017/06/17/urgent-plusieurs-magasins-de-la-pharmacie-centrale-de-guinee-en-feu-communique/. Plusieurs médias vont diffuser la même information toute  la journée, en attendant d’en savoir plus.

 

Le Ministère  de la santé réagit et rassure la population

 

Une fois que l’incendie ait été maitrisé, une réunion d’urgence s’est tenue à la PCG et a été sanctionnée par une note de service. Dans un article publié le 19 juin 2017 sur le site mediaguinee.com, on pouvait constater que le département de la santé a mis en place une cellule de coordination composée de cinq commissions  techniques. Cette cellule avait pour tâches de coordonner toutes les activités des différentes commissions, d’élaborer les TDR des commissions, de faire des recommandations aux autorités compétentes et aux partenaires, de faire le plaidoyer et la mobilisation des ressources et également d’assurer la communication stratégique et les relations extérieures. https://mediaguinee.org/incendie-a-la-pharmacie-centrale-de-guinee-voici-la-note-de-service-du-ministere-de-la-sante/. Deux jours après la publication de cette note de service, le ministre de la santé d’alors, Dr Abdourahmane Diallo avait tenu une réunion avec les partenaires techniques et financiers pour discuter des mesures à envisager dans le court terme. La quintessence de cette rencontre a été publiée sur le site justinmorel.info. https://justinmorel.info/2017/06/24/incendie-pcg-le-ministre-abdourahmane-diallo-rassure-par-les-partenaires/. Selon cet article, le ministre de la santé avait fait part de la priorité de son département: « La reconstitution du stock de médicaments antirétroviraux constitue l’une des premières priorités. Il y a eu des engagements dans ce sens, nos équipes sont en train de faire l’inventaire sur ce qui est disponible au niveau des magasins régionaux et de ce que nous avons pu épargner. D’ores et déjà il y en a qui se sont engagés à assister la Guinée pour reconstituer son stock de médicaments antirétroviraux ». Cet incendie fut une grande perte pour le ministère de la santé mais encore plus pour les quelques 40000 patients sous traitement antirétroviraux. Face à cette inquiétude, Dr Abdourahmane Diallo s’est voulu rassurant. Les propos du ministre à l’endroit des patients vivants avec le VIH ont été repris par plusieurs médias : « Je voudrai rassurer nos frères et sœurs vivants avec le VIH-Sida en leur disant qu’il n’y a pas de feu en la demeure parce qu’on venait de faire une distribution à l’intérieur du pays. Au niveau de nos magasins régionaux, il y a quelques stocks qui sont disponibles. Il est vrai que l’essentiel des bénéficiaires se trouvent à Conakry ici, mais par le jeu des redistributions nous nous assurerons qu’il y a continuité dans la prise en charge des malades. Il n’y a pas lieu de paniquer ».

Dans la foulée,  le ministre de la santé a annoncé que grâce à l’appui des partenaires, il a obtenu le financement de la réhabilitation des cinq dépôts pharmaceutiques à la Pharmacie Centrale de Guinée (PCG). Bien que le financement soit disponible depuis juin 2017, le site Kababachir.com dénonçait le retard dans le démarrage même es travaux. http://www.kababachir.com/rehabilitation-de-pharmacie-centralece-empeche-demarrage-travaux/

Mieux, en janvier 2018, Dr Diallo a mis en place un comité de pilotage du projet de construction de la PCG à Coyah (en périphérie de Conakry). L’annonce a été faite par la cellule de communication du ministère de la santé via son site web https://sante.gov.gn/mise-place-comite-de-pilotage-projet-de-construction-pharmacie-centrale-de-guinee-pcg-a-coyah/

 

Un incendie similaire à Labé

 

Deux ans après l’incendie à la PCG de Conakry, un autre incendie a été signalé la nuit du 23 au 24 juin 2019  à Labé, dans un entrepôt appartenant à la PCG. Située à plus de 400 km de la capitale, Labé est la plus grande ville de la région de la Moyenne Guinée. Les premières informations ont été données par les radios locales (Espace FM Fouta, la radio GPP, BTA FM, la radio rurale…) très tôt dans la matinée du dimanche 24 juin. Puis dans la journée, les médias en ligne ont relayé l’information. A Conakry, c’est le site Guineenews.org qui a accroché le premier article sur l’incendie. https://www.guineenews.org/labe-un-incendie-ravage-des-magasins-de-la-pcg-sous-loeil-impuissant-des-pompiers/. Là aussi, il n’y avait pas de perte en vie humaine mais le contenu de deux magasins a été complètement calciné. Interrogé par le journaliste de Guineenews.org, le directeur préfectoral de la santé de Labé a donné des explications : « Comme vous l’avez constaté, au moins les murs sont intact mais il y a deux appartements contigus où toute la toiture a été décimée et l’intérieur aussi, rien n’est resté ».

Aussitôt informé, le directeur de la PCG, s’est rendu sur les lieux.  Dr Moussa Konaté s’est montré serein face aux journalistes. Sur guineematin.com, il affirmait : « Nous avons constaté qu’il ne s’agit pas de l’entrepôt de la Pharmacie Centrale de Guinée (PCG) ou le dépôt relais de la PCG. Il s’agit en réalité de deux magasins mis à la disposition de l’unité logistique assurée à l’époque par la Pharmacie Centrale de Guinée, et dans lesquels étaient stockés les intrants pour la riposte contre Ebola. Aujourd’hui, le magasin qui a été victime d’incendie contenait le reste de ces intrants de la riposte contre Ebola, à savoir quelques sacs mortuaires, les équipements de protection individuelle et des solutions alcooliques, etc. ». Sachant que l’incendie à la PCG de Conakry survenue en juin 2017 avait suscité beaucoup d’inquiétudes chez les malades sous traitement, Dr Konaté avait tenu à préciser que « Les produits de santé qu’on utilise actuellement à Labé et qui sont en cours de distribution n’ont pas été touchés par cet incendie, parce que tout simplement les entrepôts qui sont dans l’enceinte de la Pharmacie Centrale de Guinée ne sont pas concernés par ce sinistre » https://guineematin.com/2019/06/25/incendie-dans-des-magasins-de-la-pharmacie-centrale-a-labe-les-precisions-du-dg-de-la-pcg/

 

Des incendies dont les origines et le bilan réel restent inconnus

 

Qu’il s’agisse de l’incendie à la PCG de Conakry ou à Labé, l’origine du feu n’a jamais été trouvé. Dans chacun des cas, les autorités ont annoncé des enquêtes mais aucune n’a abouti à une conclusion. La thèse d’un court-circuit a été mise en avant et depuis, aucune communication officielle n’a fait cas d’un quelconque rapport d’enquête. Dans la presse, après quelques jours de ferveur, le sujet a  cessé d’être une priorité dans les rédactions. Malgré toutes les dispositions annoncées, les autorités guinéennes n’ont jamais  rendu public le véritable bilan chiffré des dégâts causés par ces incendies.

 

La Guinée doit rembourser 4,5 millions de dollars au Fond Mondial

 

Le Fond Mondial est le premier soutient de la Guinée dans la lutte contre le VIH, le paludisme et la tuberculose depuis 2003. Une grande partie de cette aide va dans l’achat des médicaments qui sont donnés gratuitement aux patients atteints d’une des trois maladies. Faisant un bilan de l’incendie à la PCG, le Fond Mondial a estimé les pertes en médicaments à 4,5 millions de dollars américains. Une somme qu’il demande à la Guinée de rembourser, au risque de voir ses subventions gelées. Cette information a été rendu publique par la présidente de la Coalition des femmes leaders (Cofel), dans l’émission « les grandes gueules » du 17 avril 2019 de la radio Espace FM. L’info sera relayée par différents médias comme conakrytime.com

http://conakrytime.com/magr1.php?langue=fr&type=rub17&code=calb19526

 

 

Amadou Korka Bah

amakoba01@gmail.com